Mariée et mère de famille, Madeleine Mbongo Mpasi est professeure des Universités. Sa spécialité : l’enseignement et les approches théoriques du journalisme. Elle a répondu à nos questions. Il s’agit notamment de son appréciation de la presse congolaise durant les 100 premiers jours de la présidence de Félix Tshisekedi.
Voulez-vous dire un mot sur votre parcours universitaire ?
Après mes études secondaires à la section commerciale, je me suis inscrite à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC) en 1998. Cela deviendra plus tard l’histoire de ma vie. De 2001 à 2003, j’obtiens successivement les diplômes de graduat et de licence avec la mention ‘’Grande Distinction’’. J’ai alors été retenue comme Assistante. Six ans après, en 2009, j’ai défendu un mémoire d’études approfondies en sciences de l’information et de la communication (Sic).
En 2015, j’ai présenté ma thèse de doctorat. En fait, ayant constaté une certaine mutation tendant à abandonner le modèle ordinaire d’écriture journalistique que j’ai qualifié de ‘’constatif’’, j’ai proposé un autre modèle nommé : ‘’prospectif’’. En 2016, j’ai été promue chef des Départements des sciences de la communication. Depuis le 7 novembre 2018, j’occupe le poste de Secrétaire Général Administratif à l’IFASIC.
Professeure des Universités, j’enseigne notamment à l’IFASIC, à l’Université Libre de Kinshasa, à l’Université Kongo et à William Booth. Spécialisée dans l’enseignement et les approches théoriques du journalisme, mes nombreuses productions scientifiques se préoccupent de la mise en œuvre d’une méthodologie journalistique fondée sur le contrat anthropologique et culturelle entre l’énonciateur et l’énonciataire de l’information médiatique.
Quelle est votre appréciation de la presse en RDC, 100 jours après l’arrivée de Felix Tshisekedi ?
Avec du recul, on s’aperçoit que les lignes ont semblé bouger pour ce qui est de la liberté de la presse dans le pays et, des libertés individuelles et collectives, de manière globale. Pendant les 100 jours de l’actuel Président, la télévision publique a lancé un signal fort en couvrant les manifestations de contestation de l’opposition et leur réserve un traitement équilibré. C’est l’un des indicateurs qui montrent que la donne change. En plus, le débat médiatique devient encore plus intéressant et sans restriction, il n’y a pas de coupure d’internet non plus.
Pensez-vous que la nomination de notre cher ainé Kasongo Mwema au poste de porte-parole du chef de l’Etat pourra mettre fin à l’incohérence qui a caractérisé la communication de Felix Tshisekedi durant ses 100 premiers jours ?
Je pense plutôt que la communication du Chef de l’Etat est entièrement axée sur son projet de société ainsi que les divers changements qu’il entend apporter dans la gestion de l’Etat. Je n’ai donc pas relevé ce que vous appelez incohérence. Il a opté pour une communication de proximité avec la population à travers sa tournée à l’intérieur du pays et, cela est plutôt prometteur.
Par ailleurs, la nomination du professeur Kasongo Mwema comme porte-parole du Chef de l’Etat s’inscrit sur cette même lancée. C’est de bon augure dans la mesure où, son expérience et, sa figure connue du monde occidental pour avoir travaillé pour le compte des médias internationaux, pourront sensiblement renforcer l’équipe des conseillers en communication du Président et dynamiter sa communication.
Apparemment, il n’y a pas eu assez de soutien aux journalistes de Télé-50 livrés à la merci de Jean-Marie Kasamba et de la police. N’est-ce pas un mauvais signal lancé par le pouvoir qui s’est engagé à mettre fin aux antivaleurs ?
Les jours ayant suivi l’investiture du président Félix Tshisekedi ont été marqués par des soulèvements du personnel des entreprises tant publiques que privées. Ces mouvements ont été consécutifs à la lueur d’espoir que suscitait le nouveau chef de l’Etat. Les professionnels des médias n’ont pas été en reste. Ils réclamaient, comme tous les autres, les meilleures conditions de travail. Il est vrai que la question de la presse n’a pas été traitée au cas par cas mais, je crois qu’il faut laisser le temps au prochain gouvernement.
Rien ne dit que le pouvoir a abandonné la presse à la merci et au solde des antivaleurs. La preuve en est que c’est le Président lui-même qui a rehaussé la célébration de la journée de la liberté de la presse le 3 mai dernier en allant fêter personnellement avec les journalistes.
La faible représentativité des femmes journalistes dans les instances de décision des organes de presse figure parmi les inégalités de notre société. Avez-vous des suggestions visant à mettre fin à cette situation ?
Ecoutez ! Le leadership féminin dans les médias en RDC n’est pas remis en cause. S’il est faible, c’est vrai, c’est une affaire de marche graduelle. Beaucoup de femmes journalistes occupent des postes de décisions dans les médias tant publics que privés. A titre illustratif, le conseil d’administration de l’ACP est dirigé par une femme, elle-même a été la Directrice Générale de la RTNC pendant des années. Le problème c’est de savoir ce qu’elles font des responsabilités qu’on leur confie.
La représentation féminine dans les instances clé ne s’impose pas en termes de normes seulement, elle se gagne en termes de compétences et de performances. De ce point de vue, nous sommes sur la bonne voie.
La presse congolaise se caractérise, entre autres, par sa précarité. Comment endiguer ce phénomène très compromettant pour l’image et l’avenir de la presse congolaise ?
C’est l’un des plus grands handicaps de la presse congolaise. Quand les journalistes sont pris en otage dans un pays, c’est toute la démocratie qui est en péril. Au lieu de disposer d’innombrables organes de presse dont les conditions socioprofessionnelles demeurent précaires, il vaut mieux procéder à des regroupements des médias en vue d’avoir des groupes de presse puissants qui n’auront pas de mal à couvrir l’actualité nationale dans son ensemble.
Cela permettra d’investir efficacement dans les médias afin d’offrir les meilleures conditions de travail aux journalistes ainsi que le matériel de qualité pouvant faciliter la couverture nationale. Vous êtes sans ignorer qu’une bonne partie du territoire de la RDC n’est accessible qu’aux médias internationaux faute des moyens techniques et financiers adéquats. La mise en œuvre de ces grands changements passe aussi par l’implication du gouvernement et des associations de presse.
Craignez-vous pour l’avenir de la presse en RDC face à la montée en puissance des réseaux sociaux ? Quelle devrait être l’attitude des journalistes et éditeurs pour se démarquer des internautes et auteurs des fake news ?
Le poids démographique de la RDC renseigne que le pays dispose d’au moins 80 millions d’habitants. La moyenne des Congolais ayant un téléphone portable est très élevée, mais le taux d’accès aux réseaux sociaux est largement en deçà de 20% et exclusivement dans les grandes villes du pays. Si vous prolongez une telle analyse, vous vous rendez compte que la presse est loin d’être en danger. Autant la presse avait résisté à la culture de bouche à l’oreille avec son lot de rumeurs et de désinformation, autant la presse saura contenir les réseaux sociaux avec ses fake news.
L’information journalistique a l’avantage d’être vérifiée et vérifiable. Elle dispose toujours d’au moins une source. L’écriture journalistique est simple, concise mais précise, elle est exacte et honnête. Face à la montée en puissance des réseaux sociaux, les journalistes doivent se réinventer et compter sur leur propre plume. Ce qui n’est pas le cas des animateurs des réseaux sociaux pris individuellement.
Que pensez-vous de la démarche du JED relative à la réouverture des journalistes assassinés sous le règne de Joseph Kabila ?
Si vous estimez que les journalistes ont été assassinés en RDC en plein exercice de leur métier, alors, un tel procès est le bienvenu et, à la justice congolaise de faire son travail.
Propos recueillis par Jean René Kule Kongba