Valdie Kaya est en train de se spécialiser en sexologie à l’Institut de sexologie de Paris. Elle nous dévoile, ici, la subtilité d’une profession, moins connue dans son pays. Et pourtant, les problèmes nécessitant l’expertise d’un sexologue n’y manquent pas. Le défi de Valdie Kaya : contribuer à inverser cette tendance.
Voulez-vous vous présenter et nous dire ce que fait un ou une sexologue ?
Après avoir validé une licence de psychologie à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville en 2007, je vis avec ma famille depuis une dizaine d’années à Orléans en France. Je suis en train de me spécialiser en sexologie à l’Institut de sexologie de Paris fondé par Dr Jacques Waynberg qui est aussi mon formateur. J’apprends beaucoup de cet homme qui a consacré toute sa carrière professionnelle à accompagner les couples à mieux vivre leur sexualité et à faire face aux problèmes qu’elle pose.
Je vais finir mes études de sexologie en juin 2019. Mais en parallèle, j’ai déjà commencé des consultations individuelles, du coaching des couples par différents canaux (téléphone, Email, WhatsApp, Messenger, séance de travail à domicile). Par ailleurs, je me prépare à travailler à cheval entre la France et le Congo.
S’agissant du travail d’un sexologue, je dirai qu’en général, il s’intéresse au comportement sexuel des individus. Son rôle consiste, entre autres, à accompagner un couple en difficulté à retrouver son potentiel érotique restant avant que le dégout ne s’installe définitivement. L’objectif étant d’aider le couple à avancer ensemble pour qu’il soit en mesure de surmonter ses difficultés. Comme le professeur Jacques Waynberg le dit souvent, les sexologues sont des éboueurs des couples. En effet, notre travail consiste à rechercher, ensemble avec le couple, ce qui peut être sauvé pour maintenir de l’équilibre. Car, le plaisir sexuel s’expérimente mieux là où règne l’harmonie, le respect et l’estime mutuels C’est pourquoi nous avons une préférence pour les conseils et la prévention afin d’éviter une ingérence permanente dans la vie du couple ou de toute personne sollicitant notre accompagnement.
Un sexologue s’intéresse plus particulièrement aux troubles de la sexualité (frigidité, éjaculation précoce, troubles de l’érection, etc.) Cependant, le travail d’un sexologue ne vise en aucun cas à prescrire des médicaments à un couple ou une personne souffrant des troubles d’érection. Le sexologue cherche plutôt à mieux comprendre la situation et à déceler ses causes. Ainsi, il pourrait, par exemple, découvrir que des troubles d’érection sont dus à des problèmes que le couple a vécus. Le fait d’en parler, et d’établir ensemble une ligne de conduite, peut aider un couple à les surmonter. Alors qu’un médicament n’aurait aucun effet lorsque le trouble n’est pas somatique. Dans le cas contraire, le sexologue aura l’honnêteté de référer tous les cas nécessitant une prise en charge médicale aux spécialistes.
Vous êtes originaire du Congo-Brazzaville, un pays dont les habitants n’ont pas l’habitude de solliciter l’aide des sexologues. Comment allez-vous vous y prendre dans la mesure où vous envisagez d’offrir également vos prestations à vos compatriotes ?
Ce ne serait pas facile avec les personnes plus âgées. Mais je pense que c’est possible de parler sexualité sans tabou avec des jeunes qui grandissent dans un environnement différent de celui de leurs parents et grands-parents. C’est pourquoi en parlant de la prévention, je fais aussi allusion à la nécessité de donner une éducation sexuelle de base aux jeunes en ciblant plus particulièrement des jeunes garçons qui grandissent malheureusement avec une totale incompréhension de ce qu’est vraiment une ‘’femme’’.
Dans mon entendement, une éducation sexuelle ne signifie, forcément, le fait d’apprendre aux gens l’utilisation du préservatif ou certaines positions à utiliser lors des rapports sexuels. Bien au contraire, l’éducation sexuelle commence par la connaissance, entre autres, du sexe opposé et des questions de genre. Cette éducation doit également fournir des bases sur les besoins physique, physiologique, émotionnel de chaque sexe en tenant compte de son environnement, etc. Bref, il est indispensable d’apprendre aux gens comment fonctionne un homme ou une femme dans différentes situations…
Votre expertise de sexologue suffirait ou auriez-vous besoin des experts d’autres disciplines ?
Plusieurs méthodes doivent être utilisées pour proposer un accompagnement de qualité dans le domaine de la sexualité. Dans cette optique, disposer d’un pôle de réflexion, d’étude et de recherche composé notamment de sociologues, psychologues, sexologues, etc. ainsi que de toute personne qui s’intéresse à la recherche appliquée en sexologie constitue la démarche la mieux indiquée. La mise en place d’un pôle de réflexion pluridisciplinaire sur la sexualité en Afrique en général, au Congo-Brazzaville en particulier, revêt, pour moi, une grande importance.
C’est la démarche indiquée permettant au Congo d’avoir sa propre nomenclature, de définir ses besoins, ses interrogations et ses inquiétudes en matière de sexualité. Ce qui pourrait, dans l’avenir, aboutir à la création d’un institut de sexologie non calqué sur la vie et les habitudes sexuelles occidentales, mais sur celles des Africains en général, des Congolais et Congolaises en particulier.
Propos recueillis par Jean René Kule Kongba